Misère de l’anti-intellectualisme
Éric Fassin
Les campagnes contre le « wokisme » et l’« islamo-gauchisme » visent en priorité le monde intellectuel. Aux États-Unis comme en France, elles résonnent avec les attaques récentes, non seulement contre les mouvements féministes et antiracistes, mais aussi contre les savoirs critiques universitaires sur le genre et la question raciale.
Mais depuis le 7 octobre 2023, la rhétorique de cet anti-intellectualisme d’État s’est déplacée : pour combattre les politiques minoritaires et la gauche qui les porte, la droite et l’extrême droite se présentent aujourd’hui comme les championnes de la lutte contre l’antisémitisme (dont elles s’absolvent), qu’elles identifient à l’antisionisme. Elle s’est aussi renversée : les mêmes qui dénonçaient la cancel culture, qualifiée de « maccarthysme de gauche », s’en prennent non plus seulement aux libertés académiques, mais aussi désormais à la liberté d’expression. L’enquête menée aux États-Unis et en France, avec l’Allemagne en contrepoint, reconstitue l’histoire de cette actualité.